The Unusual Suspects : Jessica Redenbach, « le braquage est une métaphore qui représente bien le féminisme » [INTERVIEW]
Publié le Par Amandine Rouhaud
La mini-série The Unusual Suspects débarque le 16 novembre sur OCS. L’occasion parfaite pour Serieously de s’entretenir avec Jessica Redenbach, la showrunneuse de cette comédie pulsée. Rencontre.
À mi-chemin entre Big Little Lies et Desperate Housewives, The Unusual Suspects est une mini-série à l’humour acide. Portée par Miranda Otto et Aina Dumlao, la série offre de jolis rebondissements inattendus qui ponctuent cette comédie aussi drôle que politique.
Le pitch ? Sara (Otto) est une femme d’affaires qui vit dans un quartier huppé de Sydney. Evie (Dumlao) est sa gouvernante philippine qui, elle, ne connaît pas la même vie que sa patronne. Un jour, Evie confronte Sara qui ne l’a toujours pas payée. C’est alors qu’elle découvre que Sara, derrière les apparences qu’elle garde sur les réseaux sociaux, est en réalité presque toute aussi fauchée qu’elle. Démarre alors une alliance improbable entre les deux femmes avec en ligne de mire, un collier à plusieurs millions de dollars porté par une voisine…
À l’occasion de l’arrivée de The Unusual Suspects sur OCS le 16 novembre, Serieously a pu s’entretenir avec Jessica Redenbach, la showrunneuse de la série, pour en savoir plus sur son processus de création, ses inspirations et quelques indiscrétions.
Quand et comment l’idée de créer The Unusual Suspects vous est-elle venue ?
Plusieurs choses se sont passées. Je travaillais avec SBS, qui est l’un des principaux diffuseurs australien, et on essayait de travailler sur différentes productions qui pourraient valoir le coup. On voulait varier les genres et les différences culturelles. Et un jour, la personne chargée des scripts de SBS m’appelle et me dit : “Et si on se concentrait sur les gouvernantes philippines ? ». Elle avait déjà rencontré certaines gouvernantes originaires des Philippines qui travaillaient pour les beaux quartiers de Sydney. J’ai tout de suite adoré ce schéma d’histoire et cette idée de se centrer sur des domestiques immédiatement. Paradoxalement, on a essayé de nous écarter du côté trop domestique.
J’adore les films de braquages, c’est mon genre préféré. J’ai toujours été intéressée par le fait de raconter des histoires de femmes et j’ai l’impression que le vol est une superbe métaphore dans une histoire féministe. C’est l’idée de se lever contre le patriarcat et de reprendre ce qui nous appartient. J’ai dit : “Pourquoi est-ce que nous n’y ajoutons pas un braquage ?”. Le projet est né de ces pensées.
Mais l’important derrière tout ça a toujours été le ton de la série. On voulait faire quelque chose de divertissant tout en jouant sur différents genres cinématographiques pour raconter une histoire féministe.
Justement, vous dites que le ton a été très important pour vous. Derrière le sarcasme et l’humour de la série se cache un vrai message. Quel est-il selon vous ?
Pour moi, tout se joue autour de ces femmes qui s’unissent et brisent des règles ensemble. Je pense que ce qui est si merveilleux avec le fait d’utiliser un braquage pour une histoire féministe, c’est la façon dont on peut faire éclater le système. C’est une bonne façon de se débarrasser de certaines histoires difficiles.
Avez-vous été inspirée par une histoire vraie pour l’écriture de la série ?
Je crains que non. J’ai simplement une obsession avec les histoires de braquage ! Je les ai toujours adorées et je suis en train d’écrire un film sur un braquage, qui, je l’espère, sortira d’ici l’année prochaine ou dans deux ans. Mais non, comme je l’ai dit, pour moi c’est une métaphore qui représente bien le féminisme.
Qu’est-ce qui vous attire autant dans le genre du braquage ?
Je crois que c’est le fait de transgresser un interdit, d’être méchant mais avec une bonne intention. C’est ce qu’on a voulu mettre en avant dans la série. Les personnages ont toujours essayé de faire les choses correctement mais le monde est contre elles, à part pour Sara qui se tient toujours responsable de ce qu’elle fait. C’est d’ailleurs grâce à elle, et à sa personnalité qui ose, que les ces femmes peuvent organiser ce braquage. C’est une femme privilégiée et libre, ce que ne sont pas les autres personnages. Elles se sont retrouvées dans des situations contre leur volonté, elles n’y peuvent rien et ce braquage est pour elles l’occasion de reprendre le pouvoir.
Avez-vous un film de braquage favori ?
Oui ! À vrai dire, j’en ai plein ! Heat, Robert De Niro et Al Pacino en 1995. Et d’ailleurs, il y a un hommage à ce film dans la série !
Est-ce qu’il y a l’un des personnages que vous avez particulièrement adoré écrire ?
J’ai évidemment adoré écrire chacune de ces femmes, mais Sara est probablement celle qui me ressemble le plus.
Miranda Otto est d’ailleurs parfaite pour ce rôle. Avez-vous écrit le personnage de Sara pour elle ?
Non, on ne savait pas qu’elle allait jouer ce personnage. Elle est arrivée très vite sur le projet mais elle était en Amérique. Ils ont alors casté une autre actrice qui est adorable mais qui n’est pas Miranda…Tiens, j’ai d’ailleurs en face de moi accroché à un tableau en face de mon bureau, un billet de cinéma pour Downhill daté du 6 mars, dans lequel joue Miranda. (…) Je suis sortie du cinéma, j’ai pleuré et j’ai appelée ma meilleure amie en lui disant “Ça aurait dû être Miranda Otto, ça aurait dû être elle !”.
Deux semaines après, à cause du COVID, la production a été stoppée. Je la suivais sur Instagram et j’ai vu qu’elle était rentrée à Sydney et notre actrice a dû abandonner le projet car son emploi du temps avait connu différents changements. J’ai mailé comme une folle les producteurs en disant “C’est pour Miranda !”.
Nous avons été si chanceuses de travailler ensemble et avec le COVID nous avons dû faire les choses différemment mais elle a été absolument brillante. C’est une femme merveilleuse et elle n’a aucune vanité en tant qu’actrice, c’est, je pense, pour ça qu’elle est capable de beaucoup. Elle n’a peur de rien.
Je lui ai d’ailleurs parlé et elle me disait que le COVID avait compliqué beaucoup de choses pour vous. Est-ce que vous avez considéré à un moment d’abandonner ce projet ?
Non pas de mon côté. J’étais convaincue qu’il fallait aller de l’avant et en plus le projet était financé. Bien sûr la pandémie a été une période très stressante et toute la production a été chamboulée par tous les protocoles mis en place mais nous avons pu avoir Miranda grâce à cette situation, nous avons pu travailler avec Natalie Bailey (la réalisatrice, Ndlr) grâce au COVID… Selon moi, nous avons su tirer profit de la situation !
The Unusual Suspects n’est pas la seule mini-série que vous avez écrite. Qu’aimez-vous particulièrement dans ce format ?
En vérité, pour The Unusual Suspects on a dû se caler sur le format de la chaîne de diffusion qui a produit la série. C’est un format très difficile, c’est comme un long film en quatre chapitres plus qu’une série. Ce que j’aime, c’est qu’on peut y faire des choses qu’on ne peut pas faire avec une série classique. On peut complètement tout cramer dans l’histoire très tôt. Ce que j’ai essayé de faire avec The Unusual Suspects c’est d’ajouter une structure différente, je voulais que les téléspectateurs se retrouvent quasiment à regarder un truc totalement différent. Ça commence comme une série classique et ça devient très vite un peu déjanté.
Mais 4 épisodes c’est quand même court…
Oh oui, c’est si court ! J’aurais adoré que nous ayons plus d’épisodes, j’aurais pu écrire bien plus d’histoires sur ces femmes !
Si vous aviez uniquement trois mots pour convaincre les gens de regarder The Unusual Suspects, quels seraient-ils ?
Je crois que je dirais “des femmes qui s’élèvent ensemble” (Women Rising Together en anglais, ndlr) ou encore “les femmes dirigent le monde” (Women Rule The World, ndlr).
A mon sens, c’est une série qui parle aussi du fait de savoir vivre avec les différences de chacun.es. Dans la vie, les choses qui nous unissent sont bien plus fortes que celles qui nous séparent.
Travaillez-vous d’ores et déjà sur d’autres projets ?
Oui comme je le disais toute à l’heure je travaille sur mon film de braquage, c’est ce sur quoi je suis concentrée en ce moment. Il sera fait dans les prochains mois, avec un réalisateur merveilleux. C’est d’ailleurs un peu comme Heat mais avec des personnages féminins. Pas de façon aussi simpliste, je ne me contente pas de changer les genres mais ce que j’aime particulièrement avec Heat c’est que c’est un film profond, quasi méditatif sur la masculinité. Ce film sur lequel je travaille va également au fond de la question de ce que c’est d’être une femme.
Retrouvez The Unusual Suspects sur OCS.
Amandine Rouhaud
Journaliste