Ténor : MB14 et Michèle Laroque, « Le chant rapproche et lie des gens qui n’ont rien à voir les uns avec les autres » [Interview]
Publié le Par Alexia Malige
Premier long-métrage de Claude Zidi Jr. au cinéma, Ténor nous ouvre les portes du monde impérial et majestueux de l’opéra avec une touchante aventure musicale. A l’occasion de la sortie du film en salles ce mercredi 4 mai, Serieously a échangé avec les acteurs MB14 et Michèle Laroque, qui emmènent ici cette histoire avec beaucoup de coeur et d’émotion. Rencontre.
Jeune homme passionné de musique, Antoine peine à trouver sa voie et oscille entre un petit boulot de livreur de sushis et des études de comptabilité qui ne l’intéressent pas. Issu d’un milieu modeste, il vit en banlieue avec son grand frère Didier, rêvant de trouver un jour le succès avec ses textes de rap. Alors qu’il imagine déjà son destin tout tracé, il va rencontrer par hasard Mlle Loyseau, une professeure de chant lyrique qui va tomber sous le charme de sa voix et l’introduire au milieu de l’opéra. Un monde qui lui était jusqu’ici complètement étranger, mais qui va véritablement bouleverser son existence.
Qu’est-ce qui vous a séduits dans ce projet ?
MB14 : J’ai été contacté en 2016 à la sortie de The Voice par le scénariste et producteur de Ténor Raphaël Benoliel. Il m’a envoyé un message sur Facebook en me parlant d’un film sur un rappeur qui devient chanteur d’opéra. J’adore le rap, j’adore l’opéra, j’adore le cinéma, je rêve d’être acteur et on me propose ce truc-là…je deviens fou ! (Rires) Je crois même que c’est une blague au début. J’avais vraiment envie de décrocher ce rôle parce que l’histoire est belle, artistiquement et musicalement ça me parlait beaucoup, puis je voulais faire de l’acting depuis très longtemps. Tourner à l’opéra Garnier, en plus, c’était un truc de ouf ! Par la suite, j’ai appris que Michèle Laroque était sur le film, qu’il y avait une petite scène avec Roberto Alagna… Je suis tellement heureux que ça se soit passé comme ça ! J’aurais été très triste si je n’avais pas eu le rôle.
Michèle Laroque : J’aimais l’histoire que ça racontait. Dans le film Alors on danse, c’était la danse, là c’est le chant qui rapproche et qui lie des gens qui n’ont rien à voir les uns avec les autres et qui ne se posent aucune question. On parle souvent de la différence, des origines, mais là, on voit qu’on peut ne pas en parler. Ce qui compte, c’est ce qu’on fait ensemble et j’adore raconter cette histoire-là.
Qu’est-ce qui vous a touchés chez vos personnages ?
Michèle Laroque : Mlle Loyseau, c’est une femme libre, elle assume totalement la vie qu’elle a, ce qu’elle aime. Elle ne cherche pas à plaire, elle veut que sa vie lui plaise à elle. Elle aime les belles fringues, elle aime les jeunes mecs, elle aime le vin, elle aime le chant, elle aime transmettre et c’est la vie qui lui convient. Et quand elle entend soudainement quelqu’un qui a une voix particulière, elle veut simplement qu’il intègre son atelier. Ça va avec sa façon de voir les choses et de vivre.
MB14 : Il y a déjà des similitudes musicales entre le personnage et moi, mais surtout, il y a beaucoup de choses dans son parcours et sa personnalité qui me touchent. C’est quelqu’un qui fait des études de comptabilité, mais en réalité, il s’en moque. Et ça, c’est quelque chose que j’ai beaucoup vécu. J’ai fait des études de droit, j’ai tenu un an, ensuite j’ai été en IUT gestion, j’ai tenu 2h, j’ai été en BTS assistant manager, j’ai tenu 3 jours, j’ai été en fac de psy…enfin voilà, j’ai vraiment j’ai fait plein de choses en essayant de rentrer dans le cadre. Quand je disais à mes parents que ce que je voulais faire c’était de la musique, de la scène, du cinéma, forcément ils étaient un peu inquiets et j’ai retrouvé ça chez lui. Il s’en fout des études. Il livre des sushis pour gagner de l’argent, mais ce n’est pas ça qu’il veut faire. Puis le contexte familial un peu instable, c’est aussi quelque chose qui me parle. Donc c’est ça, le fait d’être jeune, perdu, de ne pas savoir ce que l’on va faire de sa vie, d’avoir l’impression de ne pas trouver sa place, de ne pas être dans les cases, c’est quelque chose qui fait échos à mon vécu. J’ai toujours été le chanteur parmi les beatboxeurs, le beatboxeur parmi les chanteurs. Un peu caméléon quoi…
MB14, il s’agit de votre premier rôle au cinéma, qu’est-ce qui vous a fait le plus peur dans le fait de vous lancer dans cette expérience ?
Michèle Laroque : C’est de jouer avec moi ! (Rires)
MB14 : Au début, j’étais intimidé, c’est normal, mais ce qui m’a le plus fait peur, c’est l’opéra. C’est le fait d’apprendre à chanter comme un ténor que l’on doit entendre dans une salle de 1000 personnes. J’ai travaillé le chant lyrique avec la coach vocale Caroline Fèvre et c’était très technique, très éprouvant physiquement. J’ai eu seulement deux mois pour apprendre les morceaux, ça été intense et il y a eu des moments où je me suis dit : « Je n’y arriverai jamais ». Et au final, je suis content de la prestation que j’ai réussi à fournir. Après, en ce qui concerne le jeu, je me suis un peu laissé porter par le scénario, mes camarades.
Justement, comment vous êtes-vous préparé à jouer la comédie ?
MB14 : J’ai toujours eu ce côté acting en moi, j’ai toujours été le clown de service, j’ai toujours aimé faire des blagues, des personnages, des voix, des attitudes. Je suis le genre de personne qui se parle devant la glace, comme dans La Haine (rires). J’ai également passé un après-midi avec Hélène Zidi, la soeur de Claude, qui a une école de théâtre qui s’appelle Le laboratoire de l’Acteur. Pendant 2 heures, elle m’a fait comprendre des choses sur la manière d’aller chercher l’émotion. Comment se servir de certains souvenirs, de sensations pour nourrir à un moment T l’émotion d’une scène et ça m’a beaucoup aidé. Mais sinon, tout s’est fait à la va-vite. J’ai eu le scénario deux semaines avant de tourner, donc j’ai fait comme j’ai pu (rires).
A l’inverse, Michèle, vous êtes une actrice d’expérience. Comment avez-vous travaillé avec MB14 ? Vous l’avez peut-être aidé, conseillé…
Michèle Laroque : Non, franchement, il était extrêmement vrai et juste. Et de temps en temps, quand lui se posait des questions sur des choses en particulier, on échangeait, on essayait de réfléchir ensemble.
MB14 : Tu m’as beaucoup rassuré quand même. Tu as été très bienveillante avec moi.
Michèle Laroque : C’était psychologique surtout. Il y a une vérité, qui est la clé dans le jeu. Si on veut faire bien, on fait bien comme tout le monde et on joue. MB14, il est vrai, donc c’est très facile de jouer en face de lui. Après, j’ai vu le film et j’ai constaté que c’était tout le temps le cas. C’était simple. De toute façon, quand on a un bon partenaire, on joue mieux.
MB14 : C’est ce que j’allais dire. Michèle, c’est une machine de guerre, donc ça m’a beaucoup nourri. Quand on a un partenaire en face qui galère un peu, ça ne nous met pas forcément dans de bonnes dispositions. Donc c’était une vraie chance de pouvoir jouer avec elle.
En parlant de partenaire, il faut que l’on évoque Guillaume Duhesme, qui incarne le frère d’Antoine dans le film. Comment avez-vous travaillé avec lui pour créer cette relation fraternelle intense et complexe sous bien des aspects ?
MB14 : Avec Guillaume, c’est spécial car on était dans la même situation vis-à-vis de ce film. On a passé les essais ensemble en 2017, donc tous les deux, on avait ce truc-là en commun. Pendant trois ans, il a fait sa vie, j’ai fait la mienne, on ne s’est jamais reparlé, j’avais même oublié son nom ! (Rires) Puis, on s’est revu pendant les phases de casting quatre ans après et je ne sais pas, il y avait ce truc entre nous. On ne se connaissait pas, mais il y avait cette étincelle dans le regard, on avait l’impression d’avoir quelque chose en commun. Je le voyais comme mon grand frère et moi comme son petit frère. Quand on a refait les essais ensemble, ça nous a fait du bien de se dire qu’on ferait peut-être enfin ce film ensemble. On avait créé une petite complicité vis-à-vis du projet. Ensuite, on a passé du temps ensemble, on a discuté, aujourd’hui on est potes, c’est un frérot ! (Rires)
MB14, quel a été le plus grand challenge vocal pour vous sur ce film ?
MB14 : Le morceau le plus dur, c’était celui de la scène de fin, Nessun dorma. C’est un morceau très très difficile et extrêmement technique. Normalement, il faut des années pour pouvoir chanter un morceau comme celui-ci et là, je n’ai pas eu le choix que de le maîtriser en quelques mois. Ça a été un vrai défi physique, vocal et émotionnel, mais je suis content du résultat. On a fait cette prise en studio, ce qui m’a permis d’avoir la liberté de recommencer plusieurs fois et d’enregistrer à différents moments, notamment la dernière note qui est vraiment aiguë. Le jour où l’on a enregistré le play-back de cette scène, je n’avais pas le niveau pour la faire, alors j’ai bossé encore plusieurs mois après pour pouvoir l’enregistrer. On a donc fait de la post-production sur certains morceaux, comme celui-ci, mais je ne suis jamais doublé, c’est ma voix de A à Z.
Quel était votre rapport à l’opéra avant et après le film ?
Michèle Laroque : Franchement, c’est le même ! J’aime bien, j’écoute avec plaisir, mais je ne suis pas une passionnée d’opéra. J’aime les champions en général, c’est-à-dire les meilleurs dans n’importe quel sport, ça va m’intéresser, les très grands chanteurs d’opéra, je vais les écouter avec bonheur. Il y a des airs que j’aime beaucoup. J’apprécie l’opéra italien, mais voilà, ça se limite à ça.
MB14 : C’est peut-être trop grandiloquent ?
Michèle Laroque : Non, non, c’est très bien. Mais j’ai trop de choses à faire ! (Rires)
MB14 : J’aimais déjà ça avant, la musique classique, l’opéra, le chant lyrique, etc. Mais c’est vrai que pendant et après le film, ça a pris une autre dimension. Maintenant, j’écoute et je chante de l’opéra tous les jours. Le film m’a vraiment aidé à développer une nouvelle passion !
Alexia Malige
Journaliste - Secrétaire de rédaction