Salaires, droits résiduels… : pourquoi les acteurs font-ils grève à Hollywood ?
Publié le Par Romain Cheyron
Hollywood est totalement paralysé par une double grève, celle des scénaristes et des acteurs. La question du salaire et des différents revenus est au centre des discussions et des revendications, ce qui nous pousse à nous interroger : que gagnent véritablement les acteurs et actrices ? Comment sont-ils payés pour un rôle et que touchent-ils lors de la diffusion de leur série ou leur film au cinéma, à la télévision et sur les plateformes ? Et enfin, que sont ces fameux « droits résiduels » dont tout le monde parle ? Explications.
La grève des acteurs fait rage à Hollywood et il n’est pas prévu qu’elle s’arrête dans les jours à venir. Les négociations avec l’Alliance des producteurs de cinéma et de télévision (AMPTP) restent au point mort et les demandes de chaque partie sont bien trop éloignées pour trouver un terrain d’entente. Les discussions se portent notamment sur l’avènement de l’Intelligence Artificielle qui menace les artistes hollywoodiens et les plateformes qui ne leur rapportent pas assez. Netflix, Disney+, Prime Video, Max : les plateformes de streaming ont proliféré ces dernières années et sont aujourd’hui au centre de la consommation culturelle.
Une aubaine pour les comédiens ? Pas du tout : cette grève des acteurs, qui rejoint celle des scénaristes ayant débuté au début du mois de mai, a mis en lumière un problème de taille dans le contrat des membres de la SAG-AFTRA, signé en 2020 et qui s’est achevé le 30 juin dernier. Les droits résiduels que touchent les acteurs et les actrices sur la diffusion de leurs films et séries sur les plateformes sont infimes et, depuis le début de la grève le 13 juillet dernier, de nombreux artistes ont dévoilé les sommes ridicules qu’ils reçoivent.
« Les droits résiduels représentent un énorme problème » – Mandy Moore
Kimiko Glenn, qui a incarné Brooke Soso dans cinq saisons d’Orange is the New Black sur Netflix, a posté une vidéo sur son compte Tik Tok, révélant avoir touché un total de 27 dollars pour l’exploitation internationale des épisodes de la série phare de la plateforme. De son côté, Mandy Moore, star de This is Us, a confié dans une interview avec le média américain The Hollywood Reporter : « Les droits résiduels représentent un énorme problème. Par exemple, j’ai obtenu des chèques avec un montant très bas. Environ 81 centimes pour les droits résiduels de diffusion des épisodes de This is Us sur les plateformes de streaming”.
Depuis le 13 juillet, les 160 000 membres de la SAG-AFTRA, acteurs et actrices de productions cinématographiques et télévisuelles ont arrêté de travailler et manifestent dans la rue, devant les bâtiments des grands studios. Avec leurs pancartes et leurs revendications, les artistes se retrouvent donc tous les jours devant les locaux de Warner Bros, Disney, Netflix, Paramount, NBCUniversal ou encore Fox Entertainment, de Los Angeles à New York. Et avant même ces piquets de grève, certains acteurs étaient venus soutenir les scénaristes, avec des pancartes au message sans équivoque.
« The residuals are out there » (ou « les droits résiduels sont ailleurs en version française) peut-on lire sur la pancarte de David Duchovny. Reprenant une célèbre réplique de la série X-Files, dans laquelle il a incarné Fox Mulder.
Pour un rôle, les acteurs et actrices reçoivent donc un premier chèque, qui diffère selon le projet, l’importance du rôle et la notoriété de l’acteur. Le média New Yorker, explique par exemple pour la série Orange is the New Black, les stars principales ont été payées jusqu’à 200 000 dollars par épisode, tandis que les secondaires ne gagnaient pas plus de 15 000 dollars. Au début de la série Netflix, certaines actrices ne touchaient même que 1 000 dollars, avant que celle-ci ne gagne en popularité et que les salaires soient renégociés. Mais à ces sommes, il faut encore enlever les taxes et certains frais. C’est ce que confie l’actrice Tommy Dorfman, qui a incarné Ryan Shaver dans 13 Reasons Why : « Mes gains pour l’ensemble de la première saison s’élevaient à 29 953,24 dollars avant les frais d’agence et de gestion (20 %) et les impôts. 8 épisodes sur six mois. »
Après cette paie initiale, ils reçoivent au fil des années des droits résiduels, qui correspondent à l’exploitation des films et des épisodes de série via les rediffusions à la télévision, les sorties en DVD ou en Blu-ray. Ces sommes ont une importance capitale dans la vie des acteurs et actrices, comme l’assure Whitney Morgan Cox au site Fortune : « Les revenus résiduels, c’est ainsi que nous vivons. Il y a notre salaire initial, qui nous aide, mais il y a aussi nos revenus résiduels, qui nous permettent de faire nos courses et de vivre au jour le jour.«
Une grève qui pourrait durer de nombreux mois
Tout a changé avec l’avènement des plateformes : « J’ai joué dans un épisode d’Esprits criminels et je touchais des indemnités résiduelles. Puis Esprits Criminels a été transférée sur Netflix et les chèques ont cessé d’arriver. Ensuite, la série a connu une résurgence sur la télévision câblée et j’ai reçu quelques chèques supplémentaires. La série est passée une nouvelle fois en streaming et les chèques ont encore cessé d’arriver.«
Un énorme problème également soulevé par Chris Browning, qui est apparu aux côtés de Will Smith, dans le film Bright de Netflix : « Si c’était à l’époque des droits résiduels sur les DVD, j’aurais reçu un chèque de 25 000 dollars. Là, j’ai reçu 271 dollars de Netflix. »
Le nerf de la guerre se trouve donc dans ces droits résiduels quasiment inexistants de la part des plateformes de streaming, tandis que les patrons de studios, à l’image de Bob Iger (patron de Disney) qui a engrangé 350 millions de dollars en 2023, refusent les demandes de la SAG-AFTRA pour de meilleurs droits. Dans un vibrant discours, Bryan Cranston s’est adressé à lui ce mardi à New York : « Je sais, monsieur, que vous voyez les choses sous un angle différent. Nous n’attendons pas de vous que vous compreniez qui nous sommes. Mais nous vous demandons de nous entendre et, au-delà, de nous écouter lorsque nous vous disons que nous n’accepterons pas que nos emplois soient confiés à des robots. Nous ne vous laisserons pas nous priver de notre droit de travailler et de gagner décemment notre vie. Enfin, et c’est le plus important, nous ne vous laisserons pas nous priver de notre dignité ! Nous sommes un syndicat jusqu’au bout, jusqu’à la fin !«
Une grève partie pour s’éterniser ? C’est ce qu’a indiqué Fran Drescher (Une Nounou d’Enfer), présidente de l’union des acteurs, à USA Today : « Ça pourrait durer, a expliqué Fran Drescher à USA Today. Nous calculons ce que cela coûterait de tenir six mois. »
Romain Cheyron
Journaliste