Queer : la fin du film expliquée
Publié le Par Alexia Malige
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Arrivé dans les salles obscures ce mercredi 26 février, Queer, le nouveau film de Luca Guadagnino raconte le séjour désabusé d’un homosexuel américain au Mexique dans les années 50. Un drame halluciné basé sur le roman éponyme de William S. Burroughs, qui s’achève dans un dénouement bizarre et psychédélique, particulièrement déconcertant. Focus.
Voilà une fin de film qui risque de vous laisser pensif ! Nouveau long-métrage de Luca Guadagnino, réalisateur de Call Me By Your Name et Challengers, qui s’inspire cette fois-ci de l’œuvre de William S. Burroughs, Queer suit les aventures de William Lee, un ancien soldat américain homosexuel, qui noie son désespoir dans la tequila, l’héroïne et le sexe sans lendemain. Ancré dans les années 1950 à Mexico, le film met ainsi en scène la communauté gay marginale et esseulée, qui cherche à s’oublier dans la moiteur centre-américaine.
Au cœur de cet entremêlement de destins misérables et déchirants se trouve donc William Lee, incarné par Daniel Craig, qui passe chacune de ses soirées accoudé au bar à enchaîner les cigarettes et les verres de mezcal. La boucle se répète tous les jours sans surprise ni magie : alcool, tabac, sueur, drogue, sexe, offrant des addictions pour seule compagnie au héros déchu.
Pourtant, un jour, son existence bascule. Il croise le regard d’un jeu homme, Eugene Allerton (Drew Starkey), et va très vite tomber amoureux de lui. Pire, son attirance va virer à l’obsession. C’est pourquoi, pour le garder auprès de lui le plus longtemps possible, il va décider de l’embarquer dans sa quête farfelue du yagé (ou ayahuasca), une plante hallucinogène issue d’Amérique du Sud, donnant alors lieu à un chapitre final complètement lunaire.
Sommaire
William Lee à la recherche de connexions humaines dans Queer
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Désespérément seul, William Lee cherche, par tous les moyens, à contrer cette situation d’isolement, qui lui cause une tristesse incommensurable. En la personne d’Eugene, il croit d’abord avoir trouvé la solution pour combler le vide qui le dévore, mais réalise bien vite que ses sentiments ne sont pas réciproques. La connexion entre eux ne se fait pas comme il l’aurait espérée et cela le pousse alors vers une nouvelle solution : le yagé.
Persuadé que cette plante permet la télépathie, il décide de partir pour la jungle sud-américaine à la recherche de ce précieux Graal et emmène avec lui son jeune amant. Après une rencontre très étrange avec le Dr. Cotter (Lesley Manville), qui est aussi décatie que dérangeante, les deux hommes testent enfin le produit qu’ils sont venus quérir.
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L’expérience se révèle alors aussi intense qu’ils l’imaginaient, à la différence que cela ne les rapproche pas, mais les éloigne. Comme quoi, on ne peut pas forcer une connexion qui ne veut pas se faire. Eugene confirme alors à William qu’il n’est pas homosexuel et le quitte, désertant cette jungle chaude, collante et oppressante, à l’image de leur relation. Après quoi, les deux hommes ne se reverront plus jamais.
Le meurtre de Eugene dans Queer expliqué par le passé de l’auteur William S. Burroughs
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Après la clôture de ce chapitre d’aventure, Queer s’achève sur un épilogue totalement halluciné où William Lee semble terminer son trip sous yagé. Et alors qu’une multitude d’événements étranges se produisent dans le monde fantasmagorique qui est né dans son esprit, le protagoniste retrouve Eugene dans sa cuisine. Il pose alors un verre sur le sommet de sa tête et tire avec son pistolet dans le but de faire exploser l’objet.
Toutefois, il manque sa cible (ou pas) et loge une balle dans la tête du jeune homme, qui meurt sur le coup. Face aux conséquences de ses actes, Lee est d’abord satisfait, comme s’il venait d’assouvir sa vengeance et s’était débarrassé de toute sa douleur, mais regrette bien vite son geste, prenant alors le cadavre dans ses bras. Il vient ainsi de vaincre son addiction, mais ressent le manque immédiatement.
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Par ailleurs, cette scène fait référence à un drame survenu dans la vie de l’auteur du roman, William S. Burroughs, qui a tué sa femme par accident en voulant imiter la performance de Guillaume Tell, connu pour avoir transpercé une pomme posée sur la tête de son fils avec un carreau d’arbalète. Lors d’un voyage au Mexique en 1951, l’écrivain, qui était alors marié à une certaine Joan Vollmer, a ainsi voulu réaliser l’exploit de tirer dans un verre en équilibre sur le crâne de sa femme. L’expérience a alors viré au cauchemar et Joan est décédée sur le coup.
S’il a bel et bien été jugé pour homicide involontaire, William S. Burroughs a finalement échappé à la prison, mais a néanmoins été hanté par cet événement tout au long de sa vie. Évènement qui l’a d’ailleurs mené à l’écriture, puisque c’est à la suite de cette tragédie qu’il a trouvé l’inspiration pour écrire Junky, publié en 1953.
La signification cachée derrière le mille-pattes et le serpent qui pleure à la fin de Queer
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Une autre scène lourde de sens qui vient clôturer le film montre William Lee en train de rêver. Il imagine alors le collier en forme de mille-pattes de son ancien amant prendre vie, avant de partir au loin en rampant, tandis que l’on voit en contraste un serpent qui pleure, dans une position similaire à celle de l’ouroboros.
On peut alors comprendre que Lee réalise que Eugene (symbolisé par le mille-pattes) ne l’aimera jamais vraiment, alors que lui (symbolisé par le serpent) restera bloqué sur cette relation pour le restant de sa vie. Un cercle infernal de solitude et d’addiction qui ne prendra jamais fin, laissant donc le héros démuni et dans la misère émotionnelle la plus absolue.
Retrouvez le film Queer, actuellement au cinéma.
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Alexia Malige
Journaliste - Secrétaire de rédaction