MaXXXine, Scream… : c’est quoi une « final girl » ?
Publié le Par Drifa Maza
Au cinéma, on dit parfois qu’une femme, généralement dans le genre de l’horreur, est une « final girl ». Mais que signifie cette expression ? À l’occasion de la sortie de MaXXXine dans les salles françaises ce mercredi 31 juillet, Serieously s’est intéressé à cette question et s’est également entretenu avec le réalisateur Ti West, qui nous a donné son opinion sur le sujet. Détails.
Deux ans après avoir réalisé X et Pearl avec en tête d’affiche Mia Goth, le metteur en scène Ti West revient sur grand écran avec le troisième et dernier opus de sa trilogie, MaXXXine. Ce nouveau volet suit encore une fois Maxine Minx, quelques années après les événements brutaux qui ont conduit à la mort de son petit ami et collègue de travail dans le long-métrage de 2022.
Se déroulant dans les années 80, MaXXXine place son héroïne principale au coeur de Los Angeles. L’ancienne star de films pour adultes n’a désormais plus qu’un seul rêve : celui de percer à Hollywood et devenir la prochaine reine du septième art. Mais alors qu’un tueur en série nommé Le Traqueur de la Nuit poursuit toutes les jeunes starlettes de la ville, Maxine va rapidement s’apercevoir qu’elle ferait mieux de rester à l’abri des regards et des rumeurs, si elle ne veut pas que son passé sombre et sanglant soit révélé…
Ripley dans Alien, Sidney Prescott dans Scream, Laurie Strode dans Halloween, Dani dans Midsommar ou encore Grace dans Wedding Nightmare, qu’ont tous ces personnages emblématiques en commun ? Ce sont des femmes oui, mais surtout, ce sont toutes des final girls. Dans la trilogie X, Maxine en est une. Mais que signifie réellement ce terme et à quand remonte-t-il ?
La « final girl », une figure féministe depuis les années 1970
On doit l’origine de ce terme, qui désigne simplement une dernière survivante en anglais, à Carol J. Clover, une professeur américaine. Agée de 83 ans, l’autrice a dédié une grande partie de sa vie à l’étude de l’horreur et des genres au cinéma. C’est d’ailleurs dans son article Her Body, Himself : Gender in the Slasher Film publié en 1987, que l’expression « final girl » a été utilisée, changeant à jamais le septième art. Le terme est par ailleurs souvent associé au regard masculin ou « male gaze » mis en lumière par Laura Mulvey, dans Visual Pleasure and Narrative Cinema (Plaisir visuel et cinéma narratif) en 1975.
Ces deux formules vont de pair, puisque chacune repose sur le féminisme et la déconstruction des codes misogynes au cinéma. Le male gaze désigne la façon dont le corps et les agissements de la femme sont représentés dans les médias. Les standards, à l’époque comme aujourd’hui, ne sont pas les mêmes pour les personnages masculins et féminins. Les femmes doivent être élégantes, raffinées, débrouillardes (mais pas trop), alors que les hommes, sont pour la plupart des héros, des machines de guerre, et indestructibles. Parmi les exemples les plus populaires du male gaze, on note bien sûr la carrière de Marilyn Monroe, et ses nombreuses apparitions, chacune scrutée, jugée et sexualisée.
C’est avec des oeuvres telles que Le Magicien d’Oz (1939), Rosemary’s Baby (1968), Black Christmas (1974), Carrie (1976), Halloween : La Nuit des masques (1978), Alien (1979) et Possession (1981) que l’archétype de la final girl s’est popularisé, faisant des héroïnes principales, des icônes du féminisme. Ce sont par ailleurs toutes des oeuvres utilisées de près ou de loin, comme références dans MaXXXine, comme le précise Ti West : « Eh bien, avec X, j’ai été très influencé par le cinéma indépendant des années 1970. Mon intérêt était très large. Avec Pearl, il s’agissait plus des grands films hollywoodiens traditionnels, en passant de Douglas Sirk, à Hitchcock, jusqu’au Magicien d’Oz.«
Pourquoi dit-on « final girl » ?
Le terme « final girl » existe également en français sous « dernière survivante » mais reste plus utilisé en anglais pour décrire le cinéma. L’essayiste Carol J. Clover a remarqué que les spectateurs, qu’ils soient des hommes ou des femmes, se sentent plus attachés à la victime qu’au tueur, surtout quand la cible est une femme en détresse. Le public encourage alors la victime à se surmener et à ressortir vivante des épreuves qu’elle endure, quitte à tout détruire sur son passage. Une final girl doit à tout prix rester vivante et rester debout à la fin d’un film d’horreur. Cet aspect est alors parfaitement respecté dans la franchise Scream avec le personnage de Sidney Prescott, et plus récemment avec les soeurs Carpenter, incarnées par Jenna Ortega et Melissa Barrera.
Avec Scream, Wes Craven a changé les codes. Grâce à lui, la final girl n’était plus vue comme une sainte et comme la parfaite jeune adulte vierge, qui n’oserait pas faire de mal à une mouche. Sidney, jouée par Neve Campbell, n’a jamais eu peur de se salir les mains et d’aller elle-même traquer Ghostface. L’exemple est d’autant plus visible aujourd’hui avec les nouveaux Scream. Le dernier opus sorti en 2023 montre que justement, une final girl doit se compromettre, se faire des ennemis, perdre des amis et donner un ou deux coups.
Maxine Minx, l’ultime final girl ?
Interrogé par Serieously sur pourquoi Maxine Minx est la final girl de sa trilogie, Ti West a expliqué son choix : « Quand j’ai écrit X, je voulais juste écrire un personnage avec des objectifs, que vous pourriez juger sur le papier, car elle n’est pas une citoyenne idéale. Elle prend de la drogue, elle veut jouer dans des films pornos, et tout ceci pour devenir riche et célèbre, et changer sa vie. Elle ne se porte pas volontaire pour aider les gens, elle pense d’abord à ses propres intérêts, mais je pense que le film ne la juge pas pour ça. C’est juste elle, la star du film. Que vous ayez un sentiment ou non à ce sujet, le film ne le fait pas. J’ai eu l’impression que traditionnellement, les final girls étaient toujours cette représentation parfaite de ce que quelqu’un est censé être, plutôt que simplement de qui cette personne est. C’est donc juste une façon honnête de vous mettre dans la peau d’un personnage, qui n’est normalement pas le personnage principal, ce qui a conduit à en faire 3 histoires différentes. »
« Je pense que c’est sa confiance en elle. Ses objectifs sont si difficiles à atteindre et elle fait tout ce qu’il faut pour y arriver. Elle croit en elle-même et je pense que tout le monde a quelque chose dans sa vie qu’il aimerait changer. Voir quelqu’un qui est prêt à faire tout ce qu’il faut pour changer sa vie est inspirant. » Maxine Minx casse les codes pour construire ses propres règles, ce qui plaît de plus en plus aux spectateurs ! Et Ti West, l’a bien compris : « Elle essaie juste de se rappeler qu’elle peut le faire. »
Avec ce dernier opus, le cinéaste a dépeint le côté glamour et un peu moins glamour de Hollywood à travers Maxine Minx. Malgré sa solitude, ses traumatismes et ses secrets, elle a réussi à survivre, telle une bonne final girl.
Drifa Maza
Journaliste