Le Départ : Saïd Hamich BenLarbi, « Montrer ce que l’immigration provoque de manière intime était important »
Publié le Mise à jour le Par Marion Le Coq
A quelques jours des Césars, la rédac de Serieously a eu la chance de s’entretenir avec Saïd Hamich BenLarbi, réalisateur du court-métrage Le Départ et nommé à la prestigieuse cérémonie française.
Nommé aux Césars, le court-métrage Le Départ de Saïd Hamich BenLarbi, déjà salué par la critique pour son film Retour à Bollène, raconte l’histoire d’Adil. Un jeune marocain dont la vie va être chamboulée par le retour de son père et de son grand frère au pays. Un récit bouleversant qui capture l’émotion d’un adieu. Rencontre.
Quelles ont été vos inspirations pour la réalisation de ce court-métrage ?
Le défi principal du film a été d’être à hauteur de cet enfant de 11 ans, de sa sensibilité. Un film comme Kes de Ken Loach a été déterminant, c’est l’histoire bouleversante d’un jeune enfant turbulent qui se prend de passion pour un petit faucon. C’est à la fois dur et très émouvant.
Quelles sont les plus grosses différences entre la réalisation d’un long et d’un court-métrage pour vous ? Avez-vous une préférence pour l’un des deux formats ?
Pour moi, c’est l’histoire qui imprime un rythme et une durée, peu importe si c’est un long ou un court car cette distinction reste une norme de classification. Je prends plaisir, au montage et à l’écriture, à sentir que l’histoire et la narration sont à leur juste mesure, dans une épure et jamais dans l’explicite, mais dans une générosité de l’émotion. La durée juste finit par s’imposer.
Le Départ réussit en quelques minutes seulement à nous faire nous attacher au jeune Adil. Pourquoi selon vous ?
Parce que d’abord, le jeune Aymane Rachdane est un jeune acteur magnétique, par un jeu très naturel, il nous fait vibrer. Passant de la solitude à la joie, il nous fait ressentir cette mélancolie de l’exil sans trop en faire. Onze ans, c’est très jeune. Aymane, qui n’avait jamais joué dans un film, a eu pourtant une telle facilité et une telle intuition dans le jeu que l’équipe et moi avons été bluffés. Il a vite compris qu’il devait jouer pour la caméra qui le captait en gros plan, et non faire des prouesses pour l’équipe sur place. Comprendre que jouer face à la caméra consistait à en faire parfois moins est quelque chose de difficile, et il l’a cerné dès le premier jour. J’ai eu une chance inouïe de tomber sur lui.
Comment pensez-vous que votre récit résonne aujourd’hui dans notre société actuelle ?
Aujourd’hui, on parle beaucoup d’immigration par les chiffres et les analyses géopolitiques. Montrer ce qu’elle provoque de manière intime était important pour moi. Comment l’exil nous habite tous. Beaucoup d’entre nous ont dû partir un jour de leur milieu pour s’accomplir ou parfois pour survivre, et je pense qu’il est important de raconter ces histoires de la manière la plus singulière possible. Sortir ces trajectoires des archétypes du migrant car cela tend à les réduire puis à les faire disparaître. C’est pour cela qu’à aucun moment, je n’ai voulu sombrer dans le misérabilisme.
Avez-vous une anecdote particulière ou marquante à partager sur la réalisation ou le tournage de ce court-métrage ?
Le dernier plan où l’enfant regarde le Maroc – sa terre – s’éloigner et qu’il se promet de grandir et de revenir est une scène qui s’inspire de mon propre vécu. C’est même pour cette scène que j’ai voulu faire le film. Tout tend vers cette image, cette perte. Le jour J du tournage à Tanger, on n’avait pas l’autorisation de filmer sur le ferry avec toute l’équipe. Alors, j’y suis retourné seul quelques mois après, la mer était très agitée, et c’était une grande émotion que de me retrouver seul sur ce pont de bateau, à revivre et filmer cette scène.
Quels sont vos projets pour la suite ?
En tant que réalisateur, je travaille actuellement sur l’écriture d’un long-métrage qui se passe à Marseille dans les années 90, dans le milieu de la musique raï.
Vous pouvez visionner Le Départ sur ARTE.tv.
Marion Le Coq
Journaliste