« J’suis pas un guignol » : pourquoi Jean-Paul Belmondo ne supportait-il pas Jean-Pierre Melville sur le tournage de ce film culte ?
Publié le Par Alexia Malige

S’ils avaient déjà collaboré plusieurs fois ensemble par le passé, Jean-Paul Belmondo et Jean-Pierre Melville se sont accrochés plus d’une fois sur le plateau du film L’Aîné des Ferchaux, sorti en 1963. Le tournage s’est donc révélé chaotique et houleux, frôlant la catastrophe à plusieurs reprises.
Connu pour ses incroyables cascades et ses films policiers, Jean-Paul Belmondo – décédé en 2021 à l’âge de 88 ans – a toujours eu l’image d’un acteur turbulent, au tempérament de feu. Et alors que les personnages qu’il incarnait à l’écran avaient bien souvent le sang chaud et des fourmis dans les jambes, le comédien n’était pas tellement plus calme dans la vraie vie.
Le tournage du film L’Aîné des Ferchaux témoigne d’ailleurs de son caractère haut en couleur, puisqu’il s’est avéré riche en disputes et prises de becs. Des querelles passionnées entre le comédien et le réalisateur Jean-Pierre Melville, qui ont assombri l’expérience de l’équipe pendant la production de ce long-métrage.
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« Moi aussi j’en ai marre monsieur Melville ! » Jean-Paul Belmondo exaspéré sur le tournage de L’Aîné des Ferchaux

Dans le documentaire Belmondo l’incorrigible de François Lévy-Kuentz, on apprend ainsi que les relations entre le cinéaste et l’acteur étaient loin d’être au beau-fixe sur le plateau de L’Aîné des Ferchaux. Le premier passait ainsi régulièrement ses nerfs sur l’autre comédien, Charles Vanel, qui n’était pas son premier choix, tandis que le second fulminait contre les retards que prenait la production.
Et alors que la tension ne cessait de monter, un regard de Melville a fait complètement exploser Belmondo, qui s’en est pris violemment au réalisateur. « On n’est pas des guignols ! » peut-on entendre l’interprète de Michel Maudet hurler dans un enregistrement pris par un ingénieur du son. « Moi aussi, j’en ai marre, Monsieur Melville ! Marre et jusque-là ! J’en ai ras le bol ! Parce que moi, je ne suis pas un guignol. Hier, j’ai déjà attendu de 8 heures jusqu’à 11 heures ».

Exaspéré par les retards de ce dernier, Bébel a ainsi laissé parler sa colère, pointant du doigt le manque de professionnalisme du metteur en scène. « Hier ! J’attends en bas, et on me dit : ‘Monsieur Melville cherche ses boutons de manchette’. Eh ben ça, j’en ai marre ! Parce que moi j’gueule jamais, mais quand je gueule, j’en ai marre ! C’est ta faute si on ne tourne pas ».
L’échange entre les deux hommes monte alors encore un peu dans les tours, avant de se conclure violemment : « A quoi ça rime ce que tu fais là ? » interroge le cinéaste. « A te dire que tu m’emmerdes. Je m’en vais ». Melville tente alors un ultime sauvetage : « Alors, ce film ne sera jamais terminé ». Réponse : « J’en ai rien à foutre ».
Une dispute verbale qui a viré au physique

Une fois les esprits légèrement apaisés, le tournage a finalement pu reprendre. Toutefois, les bonnes résolutions des uns et des autres n’ont pas duré longtemps. Dans le livre Belmondo l’incorrigible de Bertand Tessier, Yves Boisset, alors assistant réalisateur sur le film, se rappelle que les choses ont complètement dégénéré quand Melville s’en est à nouveau pris à Charles Vanel, devenu son souffre douleur.
« Jean-Paul s’est alors approché de Melville. Il lui a retiré son Stetson et ses Ray-Ban, les a jetés à terre, puis les a piétinés avant d’envoyer valdinguer Melville, qui s’est retrouvé les quatre fers en l’air [en disant] : ‘Sans tes lunettes et ton sombrero, tu as l’air de quoi maintenant ? D’un gros crapaud’ ».
Après cette altercation, les deux deux hommes ont quitté le plateau et ont refusé de terminer le tournage. Comme il ne restait que quelques jours de production, les scènes manquantes ont donc été remplacées par une voix off, afin de permettre au film d’être monté. Film qui est finalement sorti en salles en 1963 dans une version loin de celle qu’avait imaginée le réalisateur à l’origine… Par la suite, Melville et Belmondo n’ont jamais plus travaillé ensemble, ne souhaitant pas renouveler pareille expérience.

Alexia Malige
Journaliste - Secrétaire de rédaction