Heretic : l’obsession cinéma de la semaine
Publié le Mise à jour le Par Alexia Malige
Nouveau film de Scott Beck et Bryan Woods, Heretic met en scène Hugh Grant dans un thriller psychologique et horrifique qui revisite les notions de religion dans un huis clos suffocant. Une expérience spirituelle qui pourrait bien mener les spectateur à la crise de foi…
Sommaire
C’est quoi ?
Soeur Barnes et soeur Paxton, deux jeunes missionnaires de l’Eglise mormone sont envoyées par leur communauté faire du porte-à-porte dans une petite ville du Colorado. En fin de journée, elles arrivent sur le palier d’un certain Monsieur Reed, un homme charmant qui les accueille chaleureusement chez lui. Heureuses d’avoir trouvé un interlocuteur curieux et intéressé par les questions religieuses, les deux jeunes femmes vont rapidement déchanter quand elles vont réaliser qu’elles sont loin d’être tombées chez un enfant de choeur…
Y’a qui ?
Conçu pour hérisser les poils, mais également faire réfléchir, Heretic a été écrit et réalisé par Scott Beck et Bryan Woods, deux spécialistes de l’horreur qui sont notamment à l’origine de la saga Sans un bruit. Après avoir glacé le sang des spectateurs grâce à leur franchise silencieuse, les deux cinéastes n’ont jamais cessé de vouloir surprendre le public et ont donc jeté leur dévolu sur un comédien que personne n’attendait dans le registre de la peur : Hugh Grant.
Grand abonné des comédies romantiques (Love Actually, Coup de Foudre à Notting Hill, Bridget Jones), l’acteur britannique se glisse ici dans un rôle à contre-emploi, qui lui permet de s’essayer à un tout nouveau style, jouant sur les manières de gentleman qui ont fait sa renommée pour mieux terrifier. D’ailleurs, ce dernier ne s’est pas fait prier pour prendre part à un tel projet, lui qui aime désormais incarner les grands méchants les plus viciés du grand et petit écran. Après avoir redoublé de ruse dans Donjons & Dragons, The Undoing ou encore The Gentlemen, le célèbre Anglais prend donc, cette fois-ci, plaisir à jouer les professeurs zélés et un peu fêlés… Et nous aussi !
A ses côtés, on retrouve les deux jeunes actrices Sophie Thatcher (Yellow Jackets, Le Croque-Mitaine, MaXXXine) et Chloe East (The Fabelmans), qui offrent chacune une performance touchante et nuancée, qui se marie parfaitement à la folie douce de Grant.
C’est un peu comme…
Avec un personnage central particulièrement accueillant, qui n’hésite pas à plaisanter et à jouer de son sourire charmeur pour amadouer ses victimes, Heretic s’amuse avec l’idée du loup en peau de mouton, que les cinéphiles férus d’horreur connaissent déjà très bien. Les deux héroïnes partent ainsi à la rencontre d’un inconnu qui, de premier abord, a tout pour leur inspirer confiance et ne vont à aucun moment s’imaginer le calvaire qui les attend à l’intérieur de la demeure.
Bon samaraitain, prêt à leur ouvrir la porte de sa maison en temps d’orage, le fameux Monsieur Reed renvoie effectivement l’image d’un érudit sympathique, qui tente simplement de compenser sa solitude avec des blagues un poil trop enjouées. Tout comme dans Get Out de Jordan Peele, des signes inquiétants vont peu à peu commencer à émerger, assombrissant le ciel jusqu’ici sans nuages que l’on essayait de nous présenter.
Un bruit, une lumière, une odeur… les sens des personnages passent alors en alerte et les nôtres aussi. Dès lors, soeur Barnes et soeur Paxton vont tenter par tous les moyens de fuir cette maison et vont entreprendre un véritable chemin de croix. Chemin de croix qui va les mener à questionner leur foi et tout ce en quoi elles ont toujours cru.
C’est d’ailleurs là que la magie opère ! Théologien enthousiaste et passionné, leur hôte va se donner pour mission de les confronter à des interrogations spirituelles de taille et essayer de les convaincre que Jésus Christ n’est pas nécessairement la superstar qu’on a toujours voulu leur faire croire.
Usant de références inattendues, mêlant la culture pop aux dogmes religieux, Monsieur Reed livre un argumentaire aussi surprenant que chiadé, qui invite les jeunes femmes, comme les spectateurs à la réflexion. Ici, il ne s’agit pas uniquement de jump scare et de sang qui coule, mais bel et bien d’amener le public à penser et raisonner. Un discours hérétique qui va alors se révéler assez savoureux et offrir à Hugh Grant un terrain de jeu sans pareil.
Il est évident que le comédien anglais s’amuse et, à vrai dire, nous avec ! Car si le sujet ne prête à première vue pas tellement à la plaisanterie, Scott Beck et Bryan Woods nous prouvent le contraire avec des scènes et des dialogues remarquablement écrits, qui parviennent à faire rire malgré l’ambiance sinistre et oppressante. A ce compte là, Heretic use de l’horreur pour mieux ouvrir le débat entre croyance et athéisme, poussant les personnages dans leur retranchements les plus sombres par conviction.
Le détail qui change tout
Si Hugh Grant a affirmé avec humour ne pas être un hérétique dans la vraie vie et être, de ce fait, très éloigné de son personnage, Sophie Thatcher et Chloe East sont bien plus proches de leurs alter ego de fiction que l’on ne pourrait penser. Les deux actrices ont grandi au sein de l’Eglise mormone et ont ainsi côtoyé cet univers religieux de très près, ce qui leur permet d’apporter encore plus de profondeur à leurs personnages et, pour ainsi dire, d’être en communion avec eux.
Les croyances et confessions des acteurs n’avaient pas été prises en compte lors des auditions et le fait que les deux comédiennes soient toutes les deux liées au mormonisme est donc simplement le fruit du hasard. Toutefois, les réalisateurs avaient tout de suite perçu leur connexion particulière avec les missionnaires du film, ce qui a d’ailleurs conforté leur choix de casting.
« Nous ne savions pas qu’elles avaient été élevées par des Mormons », a expliqué Scott Beck à Entertainment Weekly. « Nous pouvions simplement le sentir ; nous avions vraiment cette impression. Nous l’avons perçu dans leurs voix et leur approche. Et je crois que la manière dont elles ont joué leurs personnages s’est fait avec beaucoup de respect, car elles ont des familles mormones. Et donc, elles partagent l’empathie et l’amour que nous évoque également ces personnages ».
Ce pan du passé des comédiennes a ainsi permis de donner au film davantage d’authenticité et de réalisme dans l’émotion, résultant en un long-métrage extrêmement prenant et haletant. De quoi changer le public en statue de sel, le figeant dans un intense débat entre raison et sentiment.
Découvrez Heretic au cinéma dès ce mercredi 27 novembre 2024.
Alexia Malige
Journaliste - Secrétaire de rédaction