Deadpool et Wolverine, The Boys… Doit-on déconstruire le mythe du super-héros aujourd’hui ?
Publié le Par Drifa Maza
Pourquoi les spectateurs aiment-ils autant Deadpool et les anti-héros déjantés, qui sortent de l’ordinaire ? Les super-héros sont-ils cantonnés à être lisses et sans défauts, ou cette tendance est-elle sur le point de d’essouffler ? À l’occasion de la sortie très attendue de Deadpool et Wolverine dans les salles de cinéma françaises ce mercredi 24 juillet, pourquoi ne pas s’attarder sur ces sujets ? Plus que jamais aujourd’hui, le genre du justicier sur grand écran est en vie, et ce troisième opus réalisé par Shawn Levy, le démontre parfaitement.
Qui est vraiment Deadpool ?
De son véritable nom Wade Wilson, Deadpool est un mercenaire et ancien soldat reconverti en anti-héros. Crée par Fabian Nicieza et Rib Liefeld, le personnage apparaît pour la toute première fois dans la maison d’édition Marvel Comics au début de l’année 1991, dans le 98e numéro de The New Mutants, une bande dessinée retraçant les aventures d’êtres dotés d’un « gène X ». Un gène présent dans leur ADN dès leur naissance, qui leur accorde des pouvoirs à la puberté. Et tout ceci, sous la supervision de Charles Xavier, plus communément appelé le Professeur X.
Lors de ses débuts, Deadpool est décrit comme un vilain sans merci, téméraire et complètement fou. Narcissique, individualiste, dangereux et vulgaire sont les mots-clés les plus utilisés pour définir la personnalité du personnage. Si l’enfance de Wade reste assez floue, pour lui comme pour les lecteurs, on sait toutefois que sa mère et son père sont morts lorsqu’il était encore jeune. La nature violente de Wade et son caractère bien trempé sont hérités de son paternel. Cependant, en fonction des versions, la jeunesse de l’anti-héros est différente. Chaque histoire reste toutefois canon à l’univers des comics Marvel.
Après des missions à haut risque dans les quatre coins de la planète, l’ex militaire a découvert qu’il était atteint d’un cancer. Il accepte de devenir le cobaye du projet Arme X, qui consisterait, selon Killbrew et ses disciples, à le guérir. L’expérience se transforme rapidement en désastre inattendue pour Monsieur Wilson et en succès pour l’équipe de scientifiques. Si Wade ressort vivant physiquement de cette épreuve, on ne peut pas en dire autant pour sa santé mentale, qui était déjà au plus bas. Il gardera une marque à vie de ce moment : sa peau brûlée. Désormais, ce dernier est doté du pouvoir d’auto-guérison, le même que son meilleur ennemi Wolverine.
Dans l’univers cinématographique Marvel, l’origin story de l’anti-héros n’est pas si différente. Deadpool garde sa personnalité et les points les plus importants de son développement, notamment sa relation avec Vanessa, interprétée par Morena Baccarin dans les longs métrages.
Ce troisième chapitre offre à Deadpool une opportunité de rêve, celle de se battre contre et aux côtés de Wolverine. Eh oui, Hugh Jackman signe ici son grand retour, sept ans après avoir tiré sa révérence, versé ses dernières larmes et prononcé ses ultimes mots dans Logan de James Mangold. L’acteur australien partageait l’affiche avec Dafne Keen dans le rôle de X-23, sa petite protégée.
Pourquoi Deadpool est-il si aimé ?
Si l’antagoniste campé par Ryan Reynolds a effectivement fait ses débuts chez Marvel il y a maintenant 15 ans, en 2009, dans X-Men Origins : Wolverine, ce n’est que depuis 2016, avec le premier volet Deadpool, mis en scène par Tim Miller, qu’il s’est fait une place dans la cour des grands, et qu’il est devenu un rendez-vous que les admirateurs ne veulent surtout pas rater au cinéma. Après six ans d’attente, l’homme au costume rouge et noir revient sur le grand écran. Il est important de souligner le climat dans lequel sort ce nouveau film. Deadpool est enfin et officiellement dans le MCU, après le rachat de la FOX (qui détenait jusqu’à présent les droits) par le studio Disney.
Pourquoi le public répond-il toujours présent pour Deadpool ? Qu’est-ce qui rend Wade Wilson (et Logan) si différent des autres ? Shawn Levy, le réalisateur de Deadpool et Wolverine s’est récemment entretenu avec Serieously lors d’une interview exclusive, et a pu partager son avis sur la question.
« J’ai réalisé que Wade Wilson, comme Logan, on les aimait car ils se comportent d’une façon dont on aimerait aussi se comporter. Dans le cas de Wade, il dit tout ce qu’il lui pense. Il ne fait pas toujours attention à ses mots, il est toujours honnête et son filtre entre son impulsion et ses mots n’existe pas. » Ce n’est un secret pour personne que les héros déjantés se font de plus en plus fréquents sur le grand et sur le petit écran. Wade fait partie des plus connus, mais on note aussi les protagonistes de la série Prime Video The Boys, qui ces dernières années, s’est instaurée dans la lignée de Deadpool avec sa satire et son côté WTF. Pourquoi aujourd’hui, les super-héros se sentent-ils obligés de se cacher derrière une critique ?
Captain America, Spider-Man, Doctor Strange, Thor ou même Superman, quel est le point commun entre ces personnages ? Leur action. Pour la plupart, ils ont été créés dans le but d’aider et de protéger ceux qui ne peuvent pas se défendre eux-mêmes, ce qui n’est pas le cas de Deadpool. D’ailleurs, l’anti-héros joué par Ryan Reynolds n’hésite pas à le souligner dans Deadpool et Wolverine, à travers une multitude de répliques. Mais alors, doit-on déconstruire le mythe du super-héros ? Doivent-ils rester des légendes dans les mémoires, où sont-ils autorisés à se salir les mains ?
Si Deadpool est autant apprécié des audiences, c’est pour sa nature bavarde, curieuse et surtout, le fait qu’il soit un miroir de la réalité. Dans la vraie vie, des milliers de personnes n’osent pas vivre et franchir un cap. Non seulement Wade Wilson n’a aucune limite, mais aucune limite ne peut l’arrêter ! Il fait tout pour atteindre ses objectifs. C’est d’ailleurs ce que met en lumière Shawn Levy, en parlant des deux héros de son histoire : « Je pense que nous aimerions tous aussi pouvoir avoir cette liberté parfois. Je pense donc que les deux personnages [Wade et Logan], de manières très différentes, satisfont un rêve avec la liberté dans laquelle ils se comportent. »
Le réalisateur s’est également exprimé sur sa connexion personnelle au personnage : « J’étais un grand fan de Deadpool avant même de rencontrer Ryan. J’aime son humour, sa confiance de soi, et son manque de contrôle sur ses impulsions. » Avec ce nouvel opus, le cinéaste canadien voulait offrir une nouvelle représentation de Deadpool et explorer tout le spectre de ses émotions et sentiments : « Ce qui était vraiment séduisant pour moi dans ce film, c’était de prendre un personnage qui a construit tous ces mécanismes de défense humoristiques, et de passer au travers pour voir si nous pouvions arriver à un point dans l’histoire où on voit son vrai lui, son lui vulnérable et son coté sensible. » Le réalisateur a déconstruit le personnage imparfait de Wade Wilson, pour en faire une personne parfaitement imparfaite, comme les êtres humains le sont. Finalement, Deadpool devient un anti-héros auquel chaque spectateur peut s’identifier.
Deadpool et Wolverine : un film nécessaire ?
Les super-héros désabusés pourraient bien être le futur que les blockbusters nous réservent. Néanmoins, si on aime parfois les démontrer comme des sans-coeur et sans âme, c’est en réalité tout le contraire. Les milliers de spectateurs attendus dans les salles obscures pour découvrir Deadpool et Wolverine pourront en témoigner. En alliant ces deux super-héros, qui au premier abord semblent être des opposés extrêmes, Shawn Levy, en une certaine manière, mélange tradition et modernité. « Chaque fois que vous avez deux personnages qui ne vont pas ensemble, c’est une excellente formule pour la comédie, pour le conflit, mais aussi pour une connexion rédemptrice. C’est une grande tradition dans le cinéma, les couples qui ne vont pas ensemble, qu’ils soient dans Midnight Run, Rain Man, Un ticket pour deux, 48 heures ou Shrek et l’Âne : deux personnages qui ne se correspondent vraiment pas. Il y a beaucoup d’animosité, mais vous pouvez ensuite faire évoluer cette relation dans des endroits surprenants.«
Si après Avengers : Endgame, Marvel avait peur pour ses projets futurs, Deadpool, en rejoignant le MCU, prouve encore une fois qu’il est un anti-héros indémodable, en se qualifiant lui-même de « Jésus Marvel » et de « Messie ». Les spectateurs aiment se divertir. Proposer de la nouveauté attirera toujours du monde dans les salles de cinéma ! L’ère des super-héros parfaits est-elle révolue ? Pour le moment, elle semble toujours tenir debout, mais Deadpool et Wolverine pourrait bien être un nouveau point de départ. Montrer à l’écran des héros faibles, vulnérables, critiquables et irrévérencieux, est justement ce qui les rend légendaires. Déconstruire le mythe du super-héros pour en reconstruire un juste après, c’est ce que cet ultime volet réalisé par Shawn Levy offre.
Drifa Maza
Journaliste