Bridgerton : la véritable histoire de la Reine Charlotte
Publié le Par Alexia Malige
Devenu un personnage iconique de la série à succès La Chronique des Bridgerton, la Reine Charlotte revient sur Netflix dans sa propre mini-série, centrée sur son mariage avec le roi George III. Une histoire romancée pour le petit écran, qui est tout de même inspirée de faits réels et des véritables aventures de la souveraine anglaise, dont le règne soulève aujourd’hui encore bien des mystères…
Désormais douée pour repérer les diamants de chaque saison de La Chronique des Bridgerton, la Reine Charlotte a, elle aussi, été le joyau de la couronne dans sa jeunesse. Choisie parmi de nombreuses jeunes filles nobles pour devenir l’épouse du roi d’Angleterre, cette dernière a dû abandonner sa famille, sa culture et son pays pour devenir la femme la plus célèbre du royaume britannique. Ce mariage, qui a donc marqué l’Histoire, est actuellement au cœur de la nouvelle production Netflix, intitulée La Reine Charlotte, qui se décline en six épisodes aussi impertinents que romantiques. L’occasion de s’intéresser de plus près à la vie de cette perle rare, qui n’a jamais cessé d’intriguer les chercheurs.
Un mariage arrangé, mais heureux
Née le 19 mai 1744 en Allemagne, Sophie-Charlotte de Mecklembourg-Strelitz a grandi dans une famille noble, sans pour autant appartenir aux plus hautes sphères de la société germanique. Son père était le duc Charles Ier de Mecklembourg-Strelitz, prince de Mirow, et sa mère était la duchesse Elisabeth-Albertine de Saxe Hildburghausen. Une maison très respectable donc, qui n’était cependant pas le choix le plus évident pour entrer dans la famille royale.
Grâce aux négociations rondement menées par son frère Adolphe-Frédéric IV et sa mère, Charlotte a finalement été fiancée au roi George III et a donc dû partir pour l’Angleterre en 1761, alors qu’elle était tout juste âgée de 17 ans. A peine arrivée après ce voyage éprouvant, pas question de se reposer ! La jeune fille a dû rapidement changer de toilette afin de se préparer pour la cérémonie de mariage, qui a eu lieu le 8 septembre de cette même année. Précipitée et réalisée dans un souci d’alliance et d’image politique, cette union a néanmoins débouché sur une vie conjugale heureuse, de laquelle sont nés quinze enfants, dont 13 ont vécu jusqu’à l’âge adulte.
La reine dans le palais des courants d’air
© Netflix
Conformément à la série de Shonda Rhimes, l’état de santé du roi George s’est détérioré quelques années après leur mariage, dans les années 1780. Ce dernier souffrait ainsi de troubles mentaux, que certains associent aujourd’hui à la porphyrie. Selon des recherches menées sur le défunt souverain, cette maladie aurait pu être déclenchée par le taux élevé d’arsenic qui a été retrouvé dans son sang après sa mort. Cet élément toxique était utilisé dans certains remèdes ou produits de beauté, ce qui pourrait expliquer sa présence dans l’organisme du roi.
Entre moments d’amour et instants de folie, la situation s’est donc vite compliquée pour le couple, bien que la reine ait soutenu son mari du mieux qu’elle pouvait. Bravant ses accès de colère et de violence, elle essayait de lui rendre visite régulièrement, même si cela n’était pas toujours possible. Toutefois, à la mort de leur fille cadette, Amélie, George s’est laissé consumer par le chagrin et est tombé gravement malade. Il a alors sombré peu à peu dans la démence et a fini par accepter de laisser son fils aîné, George, régner à sa place de 1811 à sa mort en 1820. Charlotte, quant à elle, est décédée à l’âge de 74 ans en 1818 après des années de grande solitude.
Une femme passionnée par les arts
Curieuse et avide de connaissances, la reine Charlotte a toujours montré un grand intérêt pour les arts, qu’il s’agisse de peinture ou de musique. Epaulée par son mari, elle a souvent mis en lumière le travail des artistes dont elle appréciait le talent, comme Johann Zoffany par exemple, qui a réalisé plusieurs portraits du couple royal.
Comme le montre également la série de Netflix, la souveraine anglaise a côtoyé Mozart, qui aurait même composé plusieurs airs en son honneur. Le jeune prodige autrichien s’est ainsi produit devant la cour de Buckingham, ravissant son public par son génie musical. Soucieuse d’être elle-même capable de jouer avec aisance, la reine a aussi engagé Johann-Christian Bach, fils du célèbre compositeur Jean-Sébastien Bach, comme professeur de musique. Idéal pour prendre des leçons de grande qualité !
En dehors de ses passions artistiques, la reine Charlotte était particulièrement intéressée par la botanique et a même participé à l’élaboration des jardins de Kew. Son époux étant fasciné par le ciel et les étoiles, son amour pour la terre ne faisait ainsi qu’accentuer leurs personnalités complémentaires.
Féministe avant l’heure
Avec ses opinions tranchées et son caractère bien trempé, le personnage campé par India Amarteifio et Golda Rosheuvel dans l’univers Bridgerton a de quoi faire trembler tous les murs du palais. Impossible de dire si la véritable souveraine était aussi têtue et autoritaire, mais il va de soit qu’elle partageait des idées très similaires et notamment au sujet des femmes.
Désirant un meilleur avenir pour ses semblables, incluant les soins et l’éducation, la reine Charlotte a fait construire un hôpital pour les futures mères, mais également plusieurs orphelinats. Elle a également demandé que ses filles reçoivent des leçons plus approfondies et qu’elles soient aussi bien instruites que les garçons. Des exigences audacieusement égalitaires pour l’époque.
La reine Charlotte était-elle métisse ?
Si la série produite par Shonda Rhimes fait fi du réalisme historique et des codes sociaux de l’époque en intégrant des personnes de couleurs dans la haute société britannique, les origines de la reine Charlotte ont suscité le débat bien avant l’arrivée du programme sur Netflix. Des rumeurs concernant la peau hâlée, voire foncée, de cette dernière circulent depuis déjà plusieurs siècles, opposant de nombreux historiens sur la question.
Le fait que Shondaland ait jeté son dévolu sur Golda Rosheuvel pour incarner la souveraine anglaise à l’écran est donc peut-être moins révolutionnaire qu’on ne l’aurait pensé, illustrant simplement la prise de position de la production sur ce débat qui fait rage depuis des années.
En 2009, le journaliste Stuart Jeffries évoquait dans un article pour le Guardian la théorie de l’historien Mario de Valdes y Cocom, selon laquelle Charlotte aurait bien eu des origines africaines. Après avoir longuement étudié sa généalogie, ce dernier s’appuyait notamment sur le fait que la reine descendrait d’une certaine Margarita de Castro y Sousa, une noble portugaise ayant vécu au XVème siècle, descendant elle-même du roi Alphonse III de Portugal et de sa maîtresse, Madragana Ben Aloandro (ou Mór Alfonso). Or, selon certaines allégations, cette dernière serait d’origine maure ou nord-africaine, bien que cette hypothèse ait plus ou moins été réfutée, son père Aloandro ben Bekar, étant mozarabe, soit un espagnol chrétien vivant au temps de l’occupation arabe.
Le grand mystère de Buckingham
A l’inverse, certains se servent des tableaux pour affirmer que la reine était blanche. Sur les peintures, la jeune femme est effectivement représentée avec un teint de porcelaine, n’offrant aucun élément tangible pour lui prêter des origines étrangères. Il est toutefois difficile de se fier à ces portraits en sachant que les artistes pouvaient choisir d’éclaircir la peau de leur sujet, mais également d’en modifier légèrement les traits. Cela ne reflète donc pas parfaitement la réalité et ne peut pas être utilisé pour prouver ce à quoi elle ressemblait vraiment. Il a également été souligné qu’à cette époque, les femmes se poudraient le visage pour se donner un teint de poupée le plus clair possible et que cela aurait donc pu transformer l’apparence de Charlotte.
Rien ne permet donc vraiment d’établir qu’elles étaient ses origines exactes, laissant le mystère planer sur son éventuel métissage. Du fait, toutes les interprétations sont possibles et donnent naissance à des programmes de fiction variés. Car si La Chronique des Bridgerton présente une reine de couleur, le film de Nicholas Hytner sorti en 1994 et intitulé La Folie du Roi George mettait, lui, en scène une reine blanche en la personne de Helen Mirren. De quoi mettre en avant les opinions de chacune des deux parties. En tout cas, une chose est sûre, qu’elle ait été noire ou blanche, la reine Charlotte n’a jamais manqué ni d’intensité, ni de nuances. Un personnage captivant, aussi dur à l’extérieur que fondant à l’intérieur, à l’image du célèbre dessert qui porte son prénom.
Alexia Malige
Journaliste - Secrétaire de rédaction