Babylon : Hollywood part en folie dans le nouveau film de Damien Chazelle
Publié le Par Alexia Malige
Après avoir tenté de décrocher la lune avec First Man, Damien Chazelle danse avec les étoiles dans Babylon, où les stars du cinéma muet qui brillaient par le silence sombrent dans l’ombre à l’arrivée du parlant. Une transition entre névroses, fièvre et décadence, dépeinte au travers d’un casting déchaîné plongé dans la frénésie du Hollywood des années 20.
Un éléphant déambule sur un jazz pendant qu’un poulet cleptomane vole de la cocaïne à des vedettes concupiscentes sous une pluie de champagne et de confettis. A l’image de cette scène, Babylon est fou, ses acteurs sans limites et Damien Chazelle roi de tous les excès. Le film du réalisateur franco-américain se déroule ainsi comme un long cauchemar aussi désespéré qu’insensé, où une poignée d’originaux pleins de rêves et d’ambitions se laissent emporter par le délire destructeur d’une industrie sans règles ni raison.
Des acteurs réduits au silence par la parole
C’est donc au coeur de la Californie des années 20, que nous amène cet étrange ovni cinématographique, terriblement aliéné et rythmé à l’extrême par une musique endiablée de Justin Hurwitz (La La Land). Aucun temps mort pour nous laisser respirer, Hollywood ne se repose jamais.
La technique est encore bancale, les idées fusent de tous les côtés et le travail final est plus expérimental qu’ajusté, mais l’envie est là. L’envie de créer un nouvel univers, de faire voyager le spectateur, de le faire rêver, fantasmer, oublier son existence et s’abandonner à l’ivresse de la fiction. On assiste alors aux premiers pas d’un nouvel art légèrement déstructuré et gentiment chaotique où personne ne sait exactement quoi faire mais se laisse porter par le vent, l’enthousiasme et surtout, la démesure. Le cinéma est né. Ne reste plus qu’à l’amener vers des sommets extraordinaires, où les dialogues se mêlent à la couleur et aux émotions.
Cette transition radicale entre le muet et le parlant va ainsi s’imposer comme une véritable révolution, qui, comme tout renversement, érigera les nouvelles forces de demain en laissant dans le fossé les grandes figures d’hier.
Margot Robbie éblouissante, Brad Pitt extraordinaire
Comme une mise en abyme de son récit, Damien Chazelle a choisi de plonger l’acteur mexicain, Diego Calva, dans cette agitation démente du monde de tous les possibles. Encore inconnu du grand public, le jeune comédien se retrouve, à l’image de son personnage, immergé dans un monde complètement étourdissant, où il se voit subitement confronté aux stars les plus célèbres de la planète.
Face à lui, Margot Robbie incarne l’hypnotique et déjantée Nellie LaRoy, beauté malheureuse et brisée qui aspire à la renommée, tandis qu’un Brad Pitt aussi drôle que touchant campe une vedette dépassée et ringarde, incapable de suivre la cadence nouvelle qu’impose l’évolution du septième art. Passionnées, déraisonnables et un poil fêlées, ces icônes du cinéma muet vont alors connaître la douceur de la vie pendant leurs années de gloire, avant d’être rattrapées par la solitude et la désolation à l’arrivée du parlant.
Babylon, une noirceur survoltée
Malgré les fêtes jusqu’au bout de la nuit, Babylon révèle aussi les démons de minuit. Damien Chazelle n’hésite pas à montrer la face sombre dissimulée derrière les bulles dorées et les paillettes, au contraire. Addictions, ennui, désillusions et oubli, le film met en lumière les tourments des acteurs de l’industrie du rêve, qui passent bien souvent de la fantaisie à l’horreur. Le tout présenté dans un tourbillon fiévreux d’exubérance et de dépravation, où chacun se perd à sa façon.
Orgueil, gourmandise, paresse, luxure, avarice, colère et envie, Nellie, Jack et Manny incarnent ainsi les sept péchés capitaux qu’Hollywood sert sur un plateau et nous en montrent les pouvoirs obscurs et terriblement dévastateurs. La machine à illusions peut dérailler à tout moment, broyant alors ses plus beaux joyaux jusqu’à n’en laisser qu’une mince poussière de fée. Le souvenir d’un talent d’antan, qui disparaîtra au fil des nouveaux désordres et du temps.
Découvrez Babylon au cinéma dès ce mercredi 18 janvier.
Alexia Malige
Journaliste - Secrétaire de rédaction